Sommet 2022 de Global Governance à Abu Dhabi : WADAGNI expose le lien entre la crise sécuritaire et l’économie au Sahel

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La 15ème  édition de World Policy/Global Governance s’est tenue du 09 au 11 décembre 2022 à Abu Dhabi. A cette occasion, le Ministre d’Etat, ministre de l’économie et des finances, Romuald Wadagni est intervenu dans le panel 05 sur le thème : « Le Sahel et l’Afrique de l’Ouest : géopolitique et géoéconomie ». Le ministre a établi à l’occasion, le lien entre la crise sécuritaire et l’économie.  « Sur le Sahel, nous avons raison de nous inquiéter de ce qui s’y passe. Séparer la sécurité de l’économie, nous verrons tout à l’heure que ce n’est quasiment pas chose faisable. Tout est, en réalité, lié. Pour faire simple, si vous regardez les pays du Sahel sur la période 2010-2020, nous avons affaire à des pays qui ont lancé à des degrés divers, un processus d’accélération de la croissance et de réduction de la pauvreté. Dans cette partie, quand vous regardez l’évolution de l’économie des pays de l’Uemoa par exemple sur la période 2010-2020, vous avez huit pays dans la région qui ont connu un taux de croissance de 7%  ou plus pendant 07 ans de suite. C’est une région certes, d’extrême pauvreté, une région caractérisée par un écart très important entre ce que vous voyez dans les grandes villes, quand vous venez et dès que vous sortez dans les grandes villes, vous voyez une situation sociale et économique assez frappante. Mais, c’est des régions qui ont enclenché un début d’accélération du développement de réduction de la pauvreté pratiquement entre 2010-2020. Puis 2020, Covid-19. L’arrivée de la cette pandémie a mis un frein à cet élan. Ensuite, il y a l’exacerbation de quelques enjeux globaux dont le Sahel est un terreau très favorable.

Je veux dire deux choses. Prenez les enjeux liés aux changements climatiques. On en parle depuis plusieurs années mais quand vous regardez la spécificité des pays du Sahel, c’est des pays qui offrent ou ont des caractéristiques favorables à l’aggravation de ces enjeux-là. Vous prenez un pays comme le Niger, sur ces trois dernières années, on note chaque année, une dégradation de la production agricole liée au changement climatique et à la baisse de la pluviométrie. On a affaire à des pays où il y a une extrême pauvreté, un écart très important entre ceux qui ont les moyens et ceux qui n’en ont pas. Donc ça peut générer des tensions sociales quand dans le même périmètre, vous avez des gens qui ont des moyens  et beaucoup d’autres qui n’en ont pas. On a affaire à des pays qui de par leur localisation  géographique,  subissent de plein fouet les enjeux du changement climatique et en plus maintenant,  on a affaire à des pays depuis la crise libyenne qui a enclenché en fait le débordement des mouvements et attaques terroristes vers  le Sahel et en bas. Vous avez ces pays du Sahel maintenant qui ont en face, des mouvements et organisations terroristes qui viennent se rajouter. On a le sentiment que c’est une zone qui a tous les problèmes au monde. On parle de changements climatiques, ils sont concernés,  on parle de mouvements et attaques terroristes,  ils sont concernés. On parle d’enjeux, les ODD les enjeux de base, s’assurer que les populations aient accès à l’éducation, l’eau, les infrastructures de base, ils sont concernés parce qu’ils ont un niveau de développement très faible. Donc l’inquiétude aujourd’hui, c’est que l’élan que nous avons noté dont je parlais tout à l’heure, 2010-2020 où les pays ont commencé à faire des efforts, à enclencher un développement à la base, cet élan s’est arrêté avec la Covid-19. On pensait que ça allait rependre mais maintenant, avec les enjeux climatiques et sécuritaires,  les choses commencent à être compliquées. Maintenant, il y a des solutions.  Je pense que le but de tout ça aussi, c’est de dire que ce n’est pas perdu. Il y a des moyens, il y a peut-être des initiatives à mettre sur la table pour aider ces pays-là à s’en sortir. Seuls, ils ne s’en sortiront pas.

Vous avez eu une analyse beaucoup plus économique mais certaines pointent du doigt des soucis de gouvernance, la corruption, la mauvaise répartition des ressources et autres. Comment réagissez-vous à cela ?

Il y a un aspect que je n’ai pas voulu rajouter tout à l’heure mais qui rejoint votre question. Je me suis retenu de le dire parce que dans mes propos, j’avais le sentiment d’être trop négatif et à la limite désespérant sur la sous-région. Mais en réalité, il y a un problème de base, un double problème de base pas seulement dans cette région mais dans beaucoup de nos pays en Afrique : Gouvernance, faible niveau de formation et du développement du capital humain. Vous voyez, on a parlé de l’aggravation de la situation sécuritaire, changement climatique, etc. Mais tous les mouvements sociaux, coups d’Etat qu’on voit dans la zone, de la Guinée au Mali et le Burkina-Faso…ça crée encore une autre forme d’insécurité. Et tout ça arrive parce qu’il n’y a pas une gouvernance stable, il n’y a pas des institutions capables de faire respecter les textes. Donc oui, vous avez raison, il y a un problème de gouvernance pour les pays, un problème de formation du capital humain. Une fois qu’on a dit ça, mais comment on le fait. Moi je prends le cas du Bénin (….). Nous avons fait le choix en 2016 pour le Bénin, on est arrivé pour le budget ensemble avec le gouvernement, nous avons dit, nous allons réserver une partie donnée du budget pour adresser l’extrême pauvreté. S’assurer que les gens aient le minimum, eau potable,  accès à la microfinance… Mais tout le reste l’effort a été mis sur la formation du capital humain. Nous avons décidé au Bénin que 70% de nos jeunes, on allait les former aux métiers techniques et professionnels. Les universités mal équipées qui forment des  gens qui sortent et qui sont des chômeurs, c’est ça aussi qui crée tout un  cadre propice à la mauvaise gouvernance. Donc, on a concentré nos efforts sur des lois, les textes pour avoir une bonne gouvernance et le reste de notre effort sur le capital humain. Former les jeunes, quand vous avez les jeunes formés  bien éduqués, qui peuvent faire quelque chose de leurs mains, vous créez les conditions pour qu’il y ait moins de mauvaise gouvernance, moins de corruption et consort. Le temps nous dira  on a raison de faire ce choix mais ce qui est sûr, c’est que, vous regardez 2021, on a fait, 7,2%  de taux de croissance, meilleur taux de croissance dans la sous-région et là, cette année, la Banque mondiale indique pour le Bénin, 2.2 de taux d’inflation, l’un des plus faibles de toute l’Afrique. Ça veut dire qu’il y a quand même du résultat qui montre que la direction est bonne. Sur la gouvernance, quand on fait la constitution au Bénin, il est dit qu’aucun Béninois ne peut diriger le Bénin pendant plus de mandats consécutifs, c’est pour mettre un frein aux changements de constitutions qui font que, on dit change, on reste. C’est discutable, ce n’est pas discutable, mais c’est un choix qu’on a fait. Quand on fait des lois pour dire que dans des secteurs clés comme la santé, les impôts…on ne peut pas accepter que les syndicats bloquent le domaine de la santé, qu’on interdit qu’on fasse les grèves pendant plus d’un certain nombre de jours par  an, 10jours/an dans le secteur de la santé, on nous a trouvé un peu trop dur. Mais ça fait qu’aujourd’hui, les gens viennent même d’ailleurs de la sous-région pour se faire soigner au Bénin. Sur les trois dernières années, il y a eu 0 taux de grève. On a maintenant des structures sanitaires qui marchent. On a passé une loi par exemple qui dit que quand vous êtes fonctionnaire dans le domaine de la santé, vous ne pouvez que vous concentrer et passer un minimum d’heure pour soigner les populations. Généralement, ce que les gens faisaient, quand on est médecin recruté par l’Etat, comme l’Etat ne paie pas bien, on laisse les structures sanitaires publiques et on allait gérer sa propre clinique et donc, la population n’était pas soignée. On a interdit de le faire. L’Etat vous recrute, vous devez vous concentrer, travailler pour la population, vous devez accepter aller dans  les milieux ruraux, d’aller travailler à la base…Toutes ces lois contribuent à une meilleure gouvernance et c’est un ensemble de choses qu’il faut pour régler les questions de gouvernance. On commence par donner l’exemple depuis le haut,  et on descend  secteur par secteur pour s’assurer que les gens sont effectivement à la tâche et que  les choses marchent, que les textes sont clairs, simplifiés et que  les gouvernants eux-mêmes donnent l’exemple.

Quand vous faites ça, et que vous mettez l’accent sur  la formation des gens, je pense qu’avec le temps, on y arrive et c’est ça qu’on fait. Quand vous avez des jeunes non formés, mais n’importe qui vient leur proposer de l’argent, ils vont écouter les organisations non orthodoxes, ils vont se laisser enrôler dans des organisations ou groupes  qui ne veulent autre chose que déstabiliser les Etats. Mais il faut qu’au niveau de l’Etat, on donne l’exemple, qu’on ait des constitutions qui soient claires, des lois qui soient claires, adaptées aux réalités de chaque pays. Nous ne disons pas que les exemples de textes dont je viens de parler doivent être la règle partout. Mais pour le Bénin aujourd’hui, compte tenu de notre contexte, il y a des lois qui sont utiles et qui permettent en fait de régler des questions de  gouvernance  et de formation des jeunes ».

Pour rappel, World Policy Conference est une rencontre qui permet de contribuer à promouvoir un monde plus ouvert, plus prospère et plus juste. Fondée en 2008 par Thierry de Montbrial, président de l’Institut français des relations internationales (Ifri), la WPC offre « un espace de réflexion et de dialogue essentiel autour des grands enjeux de la gouvernance mondiale, tout en permettant à ses participants de développer des liens durables ».

Par la rédaction

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