Echanges commerciaux : Comment le commerce des services et la transition écologique peuvent-ils profiter à tous?
Diverses politiques commerciales sont offertes aux pays les moins avancés (PMA) du monde pour booster leur développement. Dans cette tribune, le Directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), Xiangchen Zhang en parle. Lire la contribution….
Comment le commerce des services et la transition écologique peuvent-ils profiter à tous?
Les pays africains et les pays les moins avancés (PMA) du monde ont beaucoup à gagner du développement de nouvelles chaînes de valeur « vertes » et d’un essor mondial du commerce des services. De par l’abondance de leurs ressources durables, qui vont des fibres naturelles à la lumière du soleil, ces pays sont bien placés pour développer des industries florissantes tournées vers l’exportation de biens et services verts, tels que les énergies renouvelables et l’écotourisme. D’ailleurs, le succès rencontré par certaines entreprises africaines spécialisées dans les services financiers ou le commerce électronique montre bien que les services à forte valeur peuvent représenter une nouvelle voie de développement pour les PMA, pour autant que les politiques commerciales adéquates s’accompagnent d’un transfert de technologie et d’investissements dans les compétences et les infrastructures.
Alors que des experts commerciaux du monde entier se sont réunis à Genève il y a un mois pour faire le point sur l’initiative Aide pour le commerce– qui a permis de mobiliser 648 milliards d’USD d’investissements en faveur des pays en développement entre 2006 et 2022 – trois nouvelles études présentées dans une nouvelle note d’orientation intitulée « LDC Trade Priorities : Looking forward » (Priorités commerciales des PMA : perspectives) se penchent sur son potentiel de transformation. Elles donnent des indications sur la manière dont les économies en développement peuvent saisir les opportunités offertes par la transition verte et la réorientation mondiale vers les services en utilisant les processus de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour plaider de manière plus proactive en faveur de politiques commerciales favorables dans les secteurs stratégiques. Elles soulignent en outre la responsabilité qui incombe aux partenaires commerciaux à revenu élevé de continuer d’investir dans l’Aide pour le commerce et de réduire les obstacles auxquels se heurtent les exportations des PMA, afin de faire en sorte que le commerce profite réellement à tous.
Une transformation induite par les services
Dans leur étude relative à la promotion d’une transformation induite par les services en Afrique, Richard Newfarmer, Christian Lippitsch et Andrew Womer de l’International Growth Centre – un centre de recherches économiques établi à la London School of Economics – affirment que l’Afrique peut reproduire le « miracle » reposant sur les exportations qu’a connu l’Asie de l’Est, en augmentant le volume et la valeur de ses exportations de services.
Les auteurs soulignent à quel point la réorientation de l’Afrique vers les services a déjà été couronnée de succès, puisque 70 des 100 entreprises du continent qui enregistrent la croissance la plus rapide offrent principalement des services, dans des domaines allant des technologies financières aux soins de santé. Ils mettent également en exergue la manière dont le commerce des services peut être un complément du commerce des marchandises.
En Afrique, les secteurs de services davantage établis tels que ceux du tourisme et des transports méritent qu’un soutient leur soit apporté sur le plan des politiques, compte tenu de leur capacité à stimuler la croissance et à créer des emplois. Les auteurs font observer que le continent court toutefois le risque de devenir trop tributaire de ces secteurs.
Selon eux, les secteurs à plus forte productivité – tels que ceux de la finance, de l’assurance et des services fournis aux entreprises – sont susceptibles d’offrir à l’Afrique une voie plus durable vers l’amélioration de l’emploi et le développement économique. Pour mettre à profit ces opportunités, les gouvernements des pays africains et leurs partenaires internationaux, y compris dans le cadre de l’Aide au commerce – devront investir dans les infrastructures et les compétences numériques, et œuvrer en faveur d’une plus grande ouverture du commerce des services.
D’après les auteurs, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) sera d’un grand soutien. En dynamisant le commerce des marchandises, elle peut également stimuler le commerce des services connexes. Par ailleurs, compte tenu des engagements en matière de réduction des obstacles non tarifaires au commerce qui ont été pris dans son cadre, la ZLECAf incite les gouvernements à mettre en place des systèmes juridiques et réglementaires qui soutiennent et attirent les investissements étrangers dans les secteurs prioritaires, tels que celui du commerce électronique.
Une réflexion nouvelle sur le traitement spécial
Dans leur étude sur l’évolution des priorités des pays africains et des PMA dans le cadre du régime commercial mondial, David Luke, de la London School of Economics, et Kulani McCartan Demie, fondatrice du groupe de réflexion Organisation for Economic Transformation, préconisent une évolution du discours tenu à l’OMC sur le soutien dont ont besoin ces pays pour parvenir à une industrialisation attendue de longue date en dépit des changements climatiques et des progrès technologiques rapides.
Les auteurs mettent en lumière les synergies qui existent entre les demandes formulées par les pays africains, les PMA et les petites économies vulnérables à l’OMC. Ainsi, lors de la treizième Conférence ministérielle de l’Organisation tenue au début de l’année, le Groupe africain de l’OMC a lancé un appel en faveur d’un soutien financier et d’un transfert de technologie pour aider à atténuer le changement climatique et à s’y adapter, tandis que les PMA ont souligné la manière dont les problèmes liés aux infrastructures et aux technologies limitaient leur capacité à tirer parti des technologies numériques. Ces deux groupes de pays ont accordé la priorité à l’avancement des négociations de l’OMC sur le traitement spécial et différencié, qui, selon eux, demeure essentiel à leur développement durable.
Pour que les économies en développement puissent obtenir de meilleurs résultats lors de la prochaine Conférence ministérielle de l’OMC qui aura lieu au Cameroun, les auteurs proposent de repenser le traitement spécial et différencié, notamment en mettant davantage l’accent sur l’assistance financière et technique et en s’appuyant moins sur les exemptions des règles de l’OMC ou des engagements pris dans le cadre de l’Organisation.
Toutefois, le traitement spécial et différencié ne suffit pas à lui seul. Selon les auteurs, la mise en œuvre de la ZLECAf changera la donne pour les pays africains. Qui plus est, les PMA et les petites économies vulnérables ont également besoin d’une aide pour affranchir leurs économies de l’extraction de ressources, ainsi que d’investissements dans l’éducation, l’énergie et les infrastructures.
Prévention de la « fracture verte »
Dans son étude sur les possibilités commerciales qu’offre la transition verte aux PMA, Colette van der Ven, juriste spécialiste du commerce international et fondatrice de TULIP Consulting, examine la question de savoir comment éviter l’apparition d’une « fracture verte » entre les économies à faible revenu les plus vulnérables aux changements climatiques et les économies disposant des capacités nécessaires pour dominer les nouvelles chaînes de valeur liées à l’adaptation et à l’atténuation.
Elle met l’accent sur les inquiétudes que suscitent les mesures commerciales vertes unilatérales et non coordonnées mises en œuvre par les économies développées, dont les coûts élevés de mise en conformité empêchent les PMA de participer à l’écologisation du commerce. Pourtant, les PMA ont de nombreux avantages naturels, comme l’abondance de sources d’énergie renouvelable, de produits agricoles respectueux de l’environnement et de plantes pouvant être utilisées pour fabriquer des substituts non plastiques durables ou des médicaments.
La juriste affirme que pour les transformer en industries d’exportation, les PMA devraient davantage prendre l’initiative d’utiliser les processus de l’OMC pour soutenir leurs propres intérêts. Ils pourraient par exemple s’appuyer sur les Discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale, une initiative environnementale menée par un groupe de Membres de l’OMC qui vise à intensifier les travaux sur le commerce et la durabilité environnementale. Les PMA pourraient également tirer avantage d’une réduction des droits de douane sur des équipements tels que les panneaux solaires et les éoliennes. De telles mesures pourraient les aider à développer des secteurs des énergies renouvelables performants et à améliorer l’efficacité de l’activité commerciale à l’échelle de leurs économies.
Mme van der Ven avance que ces efforts pourraient être soutenus par un renforcement de la coopération entre les différents comités de l’OMC, qui permettrait de discuter simultanément du commerce, de l’environnement et du développement. En outre, l’Aide au commerce peut aussi aider les PMA à s’adapter à l’évolution du paysage commercial et à soutenir les efforts déployés à l’échelle mondiale pour parvenir à l’objectif de zéro émission nette.
Tribune du Directeur-général adjoint, de l’OMC, Xiangchen Zhang